rasko Le prophète
Nombre de messages : 48045 Habitation : Finlande Caractéristique : Présente un fort goût aigre au niveau du bas ventre. Mouvance : Diane Robertiste Citation préférée : Atta, c'est quoi cette variante ?
| Sujet: Le style Camp par Susan Sontag Jeu 6 Nov 2014 - 16:19 | |
| http://vehesse.free.fr/dotclear/index.php?2009/05/13/1306-le-style-camp-par-susan-sontagIntéressant article qui permet de réfléchir à où se place la sitcomologie dans une perspective plus large. A l'instar des nanardeurs, on peut aller lire l'essayiste Susan Sontag et sa théorie du "camp". - Citation :
- En 1964, Susan Sontag publia un article sur le "Camp" appelé à devenir la référence pour cette notion. Elle n'en donne pas de définitions, ou plutôt elle en donne plusieurs, évoluant entre mauvais goût, farce, plaisir de l'exagération, définissant le "Camp" avant tout comme une attitude esthétique. Le "Camp" s'explique finalement davantage par des exemples que par des explications, étant la jouissance "d'en faire trop" ou le rire intérieur devant celui qui en "fait trop" avec un imperturbable sérieux (car celui qui jouit du "Camp" ne se départit jamais d'une invisible ironie, d'un indécelable recul, d'une certaine cruauté finalement, tandis que celui qui en est l'origine involontaire produit naïvement ce qu'il pense être la Beauté ou l'Art: aux premiers le "Camp", aux seconds le kitsch, le "Camp" devenant la jouissance d'un kitsch TROP kitsch pour être vrai).
Quelques citations que je trouve pertinentes : - Citation :
Le "Camp" est fondamentalement ennemi du naturel, porté vers l'artifice et l'exagération. Susan Sontag, L'œuvre parle, p.307 - Citation :
- 16. Ainsi la sensibilité "camp" est-elle à la fois aiguë et révélatrice que certains éléments peuvent être pris dans un double sens. Mais il ne s'agit pas des deux étages bien connus de la signification, celui d'un sens littéral qui se distingue parfaitement d'un sens symbolique. Il s'agit plutôt de la distinction entre le sens, sens quelconque, de l'objet en lui-même, et le sens de l'objet conçu comme pur artifice.
ibid, p.314 - Citation :
- 23. L'élément essentiel du "Camp", naïf ou pur, c'est le sérieux, un sérieux qui n'atteind pas son but. Il ne suffit pas évidemment que le sérieux manque son but pour recevoir la consécration du "Camp". Seul peut y prétendre un mélange approprié d'outrance, de passion, de fantastique et de naïveté.
ibid, p.316 - Citation :
- 25. La marque distinctive du "Camp" c'est l'esprit d'extravagance. [...] Le "Camp", c'est souvent la marque du démesuré dans l'ambition de l'artiste, et pas simplement dans le style même de l'œuvre. [...]
ibid, p.317 - Citation :
- 38. Le "Camp", c'est une expérience du monde vu sous l'angle de l'esthétique. Il représente une victoire du "style" sur le "contenu", de l'esthétique sur la moralité, de l'ironie sur le tragique.
ibid, p.322 - Citation :
41. Le "Camp" vise à détrôner le sérieux, le "Camp" est enjoué, à l'opposé du sérieux. Plus exactement, le "Camp" découvre une forme de relation nouvelle, et plus complexe, avec le sérieux. On peut se moquer du sérieux et prendre la frivolité au sérieux. ibid, p.323 - Citation :
- 42. On est séduit par le "Camp" quand on s'aperçoit que la sincérité ne suffit pas. La sincérité peut être ignorante, et prétentieuse, et d'esprit étroit.
ibid, p.323 - Citation :
- 55. Le goût "camp" est avant tout une façon de goûter, de trouver son plaisir sans s'embarrasser d'un jugement de valeur. Le "Camp" est généreux. Son but: la jouissance. Le cynisme, la malice: purs artifices (Ou, s'il s'agit de cynisme, parlons d'un cynisme mou.) Le goût "camp" ne propose pas de prendre au sérieux ce qui est de mauvais goût: il ne se moque pas de l'œuvre achevée, du drame authentique. Mais il parvient à apprécier, à trouver un goût de réussite à des tentatives passionnées qui ont abouti à l'échec.
ibid, p.327 L'univers d'AB Productions fait-il partie du "Camp" ? Pour les plus fous de ce forum, oui certainement. Pour les autres et la plupart des gens censés, non. Moi je pense que l'univers de JLA répond en grande partie à ce concept, à l'instar des plus grands nanars dans le cinéma. La dernière citation... c'est tellement ça : "Le goût "camp" ne propose pas de prendre au sérieux ce qui est de mauvais goût: il ne se moque pas de l'œuvre achevée, du drame authentique. Mais il parvient à apprécier, à trouver un goût de réussite à des tentatives passionnées qui ont abouti à l'échec". AB c'est du mauvais goût, un cynisme "mou", du pur artifice qui nous délecte tant depuis des années. A un tel point qu'on passe un temps fou à disserter, disséquer tout un univers a priori sans intérêt. Car on ne méprise pas notre sujet, on joue avec, on rit avec et de lui, on se prend d'affection pour ces scénaristes, ces comédiens, ces réalisateurs qui ont tenté de faire, tant bien que mal, quelque chose... avec plus ou moins de réussite. Et pour l'instant, nous sommes parmi les rares à leur rendre la postérité qu'ils méritent. Au moins, ce genre d'analyse en faveur de la culture nanarde nous change des visions étriquées de la sociologie (bourdieusienne, telle que l'avait faite Pasquier en analysant le rapport des étudiants à Hélène). Notre rapport à la culture AB pourrait être ainsi vu comme plus sain, plus créatif, plus libéré de telles considérations. Bref soyons heureux, soyons dans le Camp ! PS: si vous n'avez rien compris, c'est pas grave! | |
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